dimanche 28 novembre 2010

Irlande : mobilisation massive contre l'austérité capitaliste

Entre 50.000 et 150.000 personnes ont manifesté samedi à Dublin contre le gouvernement de Brian Cowen, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne.


A l'échelle du pays, la mobilisation est impressionnante. Avec ses 4 millions d’habitants, l’Irlande a vu défiler, samedi à Dublin, entre 50.000 (selon la police) et 150.000 personnes (selon la confédération syndicale Ictu). Malgré le froid et des chutes intermittentes de neige, les manifestants ont dénoncé le plan du gouvernement, qui devrait soumettre le pays à un régime d’austérité sévère afin d’assurer le sauvetage de son secteur bancaire. La marche s’est déroulée au son des cornemuses des quais de la Liffey jusqu’à la poste centrale, haut lieu de la révolution de 1916 contre les Anglais, où avait été lue la déclaration d’indépendance.

Une marche dans le calme, à l’exception de quelques incidents, survenus aux abords du Parlement, quand un petit groupe de manifestants a lancé des bouteilles et brûlé des affiches électorales du Premier ministre, Brian Cowen. Etudiants comme personnes âgées, électriciens comme universitaires: de très nombreux marcheurs ont brandi des pancartes et repris des slogans contre la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international. "Ils ont conduit l’Irlande à la ruine", "l’Irlande n’est pas à vendre", pouvait-on lire sur des banderoles ; "Brûlez un porteur d’obligations aujourd’hui" enjoignait une autre…

"Nous avons bravé la neige parce qu’il est important que des gens comme nous fassent entendre leur voix", explique John Murphy, un conducteur de bus à la retraite venu avec sa femme. "L’Irlande a déjà tellement perdu. Nous ne pouvons pas nous permettre de céder aux pressions venues de l’extérieur et de perdre encore davantage." Autre cible des manifestants, le gouvernement irlandais, jugé par beaucoup désormais illégitime. De nombreux jeunes ont exprimé leur crainte de devoir quitter le pays pour trouver un emploi, comme tant d’Irlandais par le passé: "Plusieurs de mes amis sont déjà partis, confie Sheila, récemment diplômée. Il y a si peu d’emplois, si peu d’espoir en l’avenir. Le gouvernement a trahi ma génération et maintenant, voici mon pays vendu au FMI."

"Un plan de sauvetage des élites de ce pays"

Tandis qu’elle et les autres se rassemblaient devant la poste centrale, les autorités irlandaises finalisaient leurs négociations avec les représentants de l’Union européenne et du FMI. "On y est presque mais l’accord n’est pas encore fait", ont indiqué en fin d’après-midi deux sources proches des négociations. En jeu, un accord sur une aide de près de 85 milliards d’euros au pays.

C’est dimanche que les ministres des Finances de l’Union européenne se réuniront à Bruxelles pour valider ce soutien. Les détails du plan de sauvetage, notamment les contreparties, étaient toujours en cours de négociation samedi en fin de journée. Selon la chaîne de télévision publique irlandaise RTE, l’Irlande pourrait devoir accepter un taux d’intérêt de 6,7% sur l’aide financière accordée par l’Union européenne et le FMI. Bien plus que les 5,2% acceptés par la Grèce au printemps dernier.

Plusieurs organisateurs de la marche ont dénoncé l’attitude du gouvernement et la perspective d’années de disette. Fintan O’Toole, éditorialiste au Irish Times, le quotidien de référence, a aussi raillé "ce gouvernement sans légitimité qui scelle un accord avec des gens que personne n’a élus. Ce plan n’est pas un plan de sauvetage de l’Irlande mais bien un plan de sauvetage des élites de ce pays." Ce qu’un leader syndical a résumé d’une formule lapidaire: "Les mesures annoncées vont conduire à une crucifixion des pauvres!"

Le remède prôné par les autorités irlandaises, le FMI et l’Union européenne s’annonce drastique : 15 milliards d’euros d’économies à faire d’ici à quatre ans, soit le plan d’économies le plus rude jamais adopté en Irlande. Près de 25.000 emplois dans la Fonction publique vont être supprimés, les allocations sociales comme les retraites vont sensiblement diminuer tandis que de nouvelles taxes, sur la propriété et l’eau, vont voir le jour. Lourdement défait lors d’une législative partielle, le parti au pouvoir, le Fianna Fail, voit arriver avec angoisse les élections anticipées qu’il a été contraint d’annoncer pour le début de l’année prochaine.

LeJdd.fr

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