jeudi 4 novembre 2010

Usine Ashland : grève historique


C'était le premier jour de grève, hier, à l'usine Ashland de Sauveterre en 40 ans d'existence. Autant dire qu'Egide Rossi, le fondateur de ce fabricant de polymères pour piscines, coques de bateau ou éolienne, s'est retourné dans sa tombe. La société qui appartient à une multinationale américaine depuis 2001, n'en est pas à son premier écrémage, mais hier la situation s'est durcie. Dès 6h, 70% du personnel de l'usine (qui en compte 107), renforcés par des anciens employés d'Ashland, avaient
«spontanément» décidé de bloquer le site toute la journée en signe de protestation contre le projet de plan social annoncé par la direction le 14 septembre dernier. Il prévoit la suppression de 53 postes et de l'atelier de fabrication de résine au profit d'autres sites du groupe en Europe (Espagne et Finlande). Un atelier de peinture pourrait être vendu. Par ricochet, des dizaines de prestataires (bureau d'études), de l'entreprise pourraient en faire les frais. Les salariés n'ont pas choisi un jour au hasard pour manifester: hier le directeur général du site, Rémy Benoît, les directeurs des ressources humaines France et Europe, ainsi que le responsable du projet de restructuration rencontraient les membres du comité d'entreprise pour examiner les volets économique et social du plan.
«Le projet économique est inacceptable sans même parler de l'aspect social, expliquait Christophe Goussi, délégué du personnel juste avant le début de la réunion prévue à 10h.
Au pire, en fermant la partie résine, on arrive à une vingtaine de postes or ils veulent en supprimer 50, ils veulent restructurer, ils parlent de la crise, de compétitivité, on aurait trop de capacité de productionsur un marché en baisse». Mais le CE et les salariés sont plus que dubitatifs: «Avec la moitié des effectifs, l'entreprise ne sera pas viable, d'après l'organigramme ils n'ont même pas prévu les remplacements, on est morts de rire», lançait un gréviste au milieu du piquet de grève. Ils craignent aussi que ce ne soit qu'une première étape. Ils adhèrent d'autant moins au plan que les résultats d'Ashland Inc récupérés par Secafi, un cabinet d'expertise recruté par le CE, «sont bons», indiquait hier le comité d'entreprise. Question prime, le bât blesse aussi: outre les indemnités légales, 5000 de prime de licenciement ou 3000 de prime de départ volontaire, «largement insuffisant» pour les Ashland qui réclament trois ans de salaire et la distribution aux employés d'une provision de 12M, au titre de participation aux bénéfices. En attendant les contrepropositions du CE, les salariés ont repris le travail ce matin.

TEMOIGNAGES :

Philippe MANCHON.« J'ai 57 ans, c'est ma 34e année à l'usine. Mon poste est supprimé sur le nouvel organigramme, mais j'avais demandé à partir, alors ce plan c'est le mieux qui puisse m'arriver mais moi je me bats pour les autres, il faut que les jeunes qui ont des crédits, des enfants puissent bouffer. C'est le boulot qui m'a fait bouffer toute ma vie, qui s'arrête.»
Georges BOYER.«J'aurai 35 ans de boîte le 12 novembre prochain. Il y avait déjà des contestations, mais je n'ai jamais vu une telle union chez les salariés. Il y a des jeunes qui viennent de rentrer, ils ont appris sur le tas ils n'ont pas de diplôme et d'autres qui ont entre 40 ans et 50 ans, ils vont se retrouver sans emploi».
Pierre BRURRER. «J'ai 33 ans. J'ai été embauché il y a quatre ans pour travailler en 5x8, ils avaient créé une 5e équipe pour augmenter la production. J'ai été formé par les anciens. Ensuite on est passé en 4x8, il y a eu du chômage partiel et maintenant on est en 4x8 normal. Mais mon poste va sauter (atelier résine). Il y a un an j'ai fait une demande de formation parce que je voulais voir autre chose. Mais ça me dégoûte de voir des gens qui au pire ont fait une pétition en 25 ans, qui se sont dévoués et en remerciement on les licencie. »
Marien CHARRIÈRE. «J'ai 27 ans. J'ai fait 4 ans en CDI et là c'est la porte. Il va falloir commencer à chercher alors que le marché est bouché. Moi je trouve dommage qu'Ashland ne revende pas le site, pour qu'il y ait un repreneur, ils préfèrent réduire l'activité pour ne pas vendre à la concurrence. L'outil de production est tout neuf. »
Hier, toute la journée, ils étaient une centaine à tenir un piquet de grève à l'entrée de l'usine.

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