jeudi 14 octobre 2010

Monoprix : « de la grève surprise à la grève historique »

La chaine Monoprix, propriété du groupe Casino et des Galeries Lafayette, enseigne aux plus de 300 magasins pour un chiffre d’affaire de 3,5 milliards d’euros annuels en France et qui ne cesse de s’étendre à l’étranger, vient de connaitre à Marseille une grève dont les retombées n’ont pas fini de se faire sentir…Partie d’un magasin sans organisation syndicale qui n’a jamais connu de grève depuis plus de 30 ans, elle a duré 22 jours… jusqu’à la victoire…

Dans les quartiers sud de Marseille (ou quartiers chics) le Monoprix du rond-point du Prado, est un magasin sans histoire où depuis des années la clientèle vient faire ses courses, dans des voitures dont le prix représente souvent des années de travail des salarié-e-s qui les servent. Cette « vitrine » de Monoprix, comme disent (disaient ?) les dirigeants de l’enseigne réalise ici l’un des 3 plus gros chiffres du pays (54 millions en 2009), plus d’un million par semaine ! Derrière l’ambiance musicale et feutrée des rayons d’alimentation bio, de parfumerie ou de prêt-à-porter, des hommes et des femmes, jeunes pour la plupart, subissent les temps partiels imposés auxquels s’ajoutent les brimades, la pression, la surcharge de travail due au non remplacement de personnel et… les bas salaires bien entendu. Comme si cela ne suffisait pas, la ville de Marseille ayant décidé de privatiser l’espace public, nombre de salarié-e-s à qui la direction refuse l’accès au parking clientèle, obligés de venir en voiture à cause de leurs horaires et du manque de transports en commun, doivent se garer dans les rues avoisinantes et payer les parcmètres. Payer pour venir travailler il faut le faire !

Pendant des années les salarié-e-s n’ont rien dit, tout accepté en silence et en serrant les dents, en espérant que leur investissement dans le travail serait reconnu, qu’ils auraient droit à travailler plus pour gagner plus dans une entreprise où il est fréquent de devoir se lever à 4h du matin pour à peine 800 euros par mois. La peur de perdre son emploi aidant, le syndicalisme, la lutte collective étaient des mots étrangers. Leur combat était individuel : conscience professionnelle et investissement dans l’espoir d’une reconnaissance salariale, voire d’une ascension même modeste dans la hiérarchie du groupe. Au fil des années ils durent se rendre à l’évidence : leurs espoirs étaient vains. Alors que les profits de Monoprix ne cessent de grossir au point de faire un bond de près de 40% au 1er semestre 2010 les précaires du Rond-Point (et d’ailleurs) continuent à voir leur fiche de paie désespérément basse.

Une direction méprisante et de combat, un conflit dur

Aussi, quand ce vendredi 17 septembre, deux déléguées, quasi seules syndiquées CGT, distribuent un tract au personnel appelant à l’action pour les contrats, les classifications, les salaires et le parking, le personnel arrête massivement le travail à la grande surprise de l’encadrement, de la clientèle et des pouvoirs publics… mais pas des salarié-e-s chez qui le feu couvait depuis longtemps. Dès le début la direction du magasin traite de haut les déléguées, qui en plus – circonstance aggravante – sont deux femmes dont le macho-directeur pense ne faire qu’une bouchée en balayant d’un revers de main toutes les revendications déposées. Pour lui c’est clair la grève n’est qu’un mouvement d’humeur sans lendemain. C’est sa 1ère erreur.

Le lendemain devant tant de mépris et l’absence de réponse, les salarié-e-s qui pour la plupart font leur première grève, la reconduisent. Commence alors un mouvement dont nul ne soupçonnait l’ampleur et les prises de conscience qu’il permettrait. Le samedi dès 5h 30 les grévistes sont quasi tous présents, avec à leurs côtés en permanence tout au long du conflit, des militants de la CGT qui se relaieront avec le seul souci d’aider sans jamais déposséder les salarié-e-s de leur mouvement. Aider à informer la population et les salarié-e-s des Monoprix et plus largement des magasins de la grande distribution avoisinants, être là en soutien, échanger avec les salarié-e-s qui le demandent, voilà leur rôle. Le samedi soir 18 septembre la direction propose un pseudo protocole, vide de tout contenu et d’engagement précis (à part sur 10 places de parking !). Le lundi les salarié-e-s le refusent et convainquent la déléguée FO, un moment tentée de le signer de ne pas le faire. Mardi 21 septembre 2h du matin, le téléphone sonne : « Vous dormez ou quoi ? » C’est le cri de Samy, la déléguée de Monoprix Canebière (le deuxième plus grand Monoprix de Marseille) où la grève vient de commencer, initiée par 3 femmes, les 3 déléguées, qui sont là en pleine nuit devant l’accueil livraisons avec leur drapeau CGT flottant au vent.

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